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Claude Boucher, rencontre d’un donateur

Claude Boucher

Entrevue avec Claude Boucher, donateur à la Bibliothèque
Collectionneur de livres anciens

Par Véronique Hébert, directrice au développement philanthropique de la Bibliothèque (2021)
Décembre 2021

Mise en contexte:
J’ai été initiée au monde mystérieux des livres anciens lors d’une visite avec Sonia Léger, bibliothécaire, chez Claude Boucher. Un univers fascinant à découvrir: des centaines de volumes et surtout un atelier de reliure, qu’il a mis sur pied à même sa maison.

Né dans un milieu modeste en plein cœur de Québec, Claude grandit dans une famille traditionnelle de cinq enfants durant les années 50. La religion occupe une place importante pour son père menuisier. Le petit Claude est un enfant curieux qui pose énormément de questions et dévore tous les livres qu’il peut trouver. Il me confie en riant que les vieilles boîtes du Reader’s Digest de sa mère étaient pour lui de précieux trésors. Cette passion de la lecture grandira avec les années. Ne pouvant se permettre d’acheter des dizaines de livres par semaine, il se rend à la Bibliothèque de l’Institut Canadien régulièrement pour en emprunter.

Sa mère rêve que ce fils si curieux entre au Petit Séminaire de Québec. Lors de l’examen d’admission, Claude se présente en retard à la dictée. Sa tante le recevait pour le repas du midi, comme elle habitait tout près de cette école, et ils n’avaient pas vu le temps passer… Cette inattention aura des répercussions importantes : Claude rate la première partie de la dictée, les prêtres n’acceptent aucune excuse de sa part et il n’est pas admis à l’école privée. Il débute donc son cours classique à l’École Joseph-François-Perreault. À cette époque, un oncle curé l’appelle pour lui dire qu’il devrait orienter ses études vers la prêtrise. L’idée est vite écartée avec l'accord de sa mère. 

Claude poursuit alors ses études en orientation à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval. Il n’a pas le temps de compléter sa maîtrise qu’il se présente à un concours pour le ministère des affaires étrangères et obtient un premier poste à l’ambassade du Zaïre (maintenant appelé Congo) en Afrique. L’aventure des voyages débute! En 1981, il s’installe à l’ambassade du Canada en France, située à Paris. Internet n’existant pas encore, il passe ses fins de semaine à explorer la Ville Lumière et surtout à lire tout ce qu’il peut trouver sur l’histoire de ces quartiers et sur les noms de ces rues. C’est à ce moment qu’il fait l’achat de son tout premier livre ancien datant de 1783 intitulé Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris par Henri Sauval. Payé plus de quatre cents dollars à l’encan de l’Hôtel Drouot, cet ouvrage représente une fortune pour celui qui débute sa carrière. Les joues rouges, il se rappelle avec vivacité l’émotion si forte d’avoir en main ce trésor que Victor Hugo avait même utilisé pour concevoir son célèbre roman Les Misérables.

Une partie de la collection de livres anciens de Claude Boucher
Une partie de la collection de livres anciens de Claude Boucher

Rapidement, la passion de Claude pour les livres anciens se développe. Il adore tout ce qui touche l’histoire de Paris et l’iconographie religieuse. Les foires de livres et les marchés aux puces sont des endroits rêvés afin de poursuivre sa collection. À chaque voyage, il prend soin de visiter les lieux de ventes de livres où il peut dénicher des trésors. Il me raconte qu’il a souvent dû couper le budget des vacances quand il tombait sur un volume ancien en début de voyage. Au diable les repas copieux et le luxe, on peut être aussi heureux avec un plat de pâtes aux tomates! 

Lors de nombreux déménagements, il transporte sa collection qui représente pour lui ses racines et son ancrage. Heureusement, la fonction de diplomate lui permet d’avoir un budget pour déménager toutes ses acquisitions à chacun de ses mandats. L’Angleterre est un lieu où il fait de nombreuses trouvailles. Les livres de langue française y sont courants et souvent moins populaires. En 1993, de retour à Paris après une affectation au Mexique, Claude décide d’apprendre le métier de relieur afin de pouvoir acheter des livres à moindre prix, les restaurer et leur donner un nouveau souffle. Un certain monsieur Milos lui transmettra ses connaissances durant deux années de cours en soirées où Claude apprend les techniques de restauration. Il peaufine celles-ci et acquiert même l’équipement d’un relieur prenant sa retraite pour avoir sa pièce à la maison.

Atelier de reliure
Le métier de relieur, un art sacré

Quand je lui demande s’il revend des livres occasionnellement, il me répond que l’attachement est trop grand. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a décidé de céder sa collection à la Bibliothèque de l'Université Laval, où elle pourra être conservée et faire le bonheur d'autres amoureux de livres anciens. Il travaille présentement à restaurer l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et d’Alembert. Un de ses rêves serait de mettre la main sur Les Fables de Lafontaine illustrées par Oudry (1755-1759) ou encore sur un livre d'Heures avec ses enluminures du XVe siècle. Ses plus belles trouvailles demeurent Les pensées de Pascal, édition de Port-Royal datée de 1670 trouvée dans une vente aux enchères aux États-Unis, et l'Histoire et description de la Nouvelle France du Père Charlevoix (1744), exemplaire acheté par Honoré Beaugrand lors de sa visite à l'Exposition universelle de Paris de 1889. Claude m’avoue que les livres sont ses meilleures fréquentations à vie. Ils transmettent la science et la culture, ont chacun une histoire à raconter et lui sont toujours restés fidèles.

Une trouvaille inespérée aux puces
Une trouvaille inespérée aux puces